Par Gregory Wagner, French editor au Graduate Press
Le mercredi 5 novembre, l’Université de Genève a accueilli, en partenariat avec le Comité CH-UE, une conférence consacrée aux nouveaux accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Parmi les invités figurait notamment le nouveau conseiller fédéral et chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), Martin Pfister.
Les nouveaux accords bilatéraux au cœur du débat
Ces nouveaux accords font actuellement l’objet de vifs débats politiques et médiatiques en Suisse. Quelques jours avant la conférence, la consultation publique sur le « paquet européen » du Conseil fédéral venait de s’achever.
Lors de cette phase, les associations et partis ont pu donner leur avis sur le projet : à l’exception de l’UDC, tous les partis s’y sont montrés globalement favorables.
Désormais, le Conseil fédéral doit préparer un texte final qui sera soumis au Parlement au printemps 2026, puis – probablement en 2027 – au vote du peuple.
Une question reste ouverte : l’approbation des accords nécessitera-t-elle une simple majorité populaire ou aussi celle des cantons ? Le conseil fédéral s’est prononcé en faveur d’un référendum facultatif, excluant ainsi la double majorité.
L’université affiche son soutien
De retour à la conférence, la vice-rectrice de l’Université de Genève, Martine Collart, a ouvert la séance en souhaitant la bienvenue aux participants et en exprimant le soutien explicite de l’Université de Genève aux nouveaux accords bilatéraux.
Elle a rappelé les conséquences potentielles d’un rejet : « La libre circulation des personnes est indispensable pour le système éducatif, la recherche et les universités. Sans elle, c’est toute notre vitalité académique qui serait menacée. »
Après une intervention de la conseillère d’État Nathalie Fontanet, Martin Pfister est monté sur scène.
Une intervention mouvementée
À peine avait-il prononcé ses premiers mots que des manifestants pro-palestiniens l’ont interrompu, l’accusant de complicité avec le gouvernement israélien.
La conférence a dû être suspendue une trentaine de minutes. Ce n’est qu’à l’arrivée de la police en tenue anti-émeute que les protestataires ont quitté la salle.

Pfister a ensuite repris la parole avec calme et humour : “Je suis ravi d’être ici ce soir”, a-t-il lancé, provoquant quelques sourires dans le public.
Il a ensuite insisté sur l’importance du dialogue dans une société démocratique : “Pour le dialogue, il faut aussi être capable de s’écouter”.
Dans un français encore un peu hésitant, il a souligné l’importance des relations structurées avec l’UE pour la politique de sécurité et de défense de la Suisse : « Les menaces d’aujourd’hui sont transfrontalières. La Suisse ne peut se défendre qu’en coopération avec ses partenaires. »
Le conseiller fédéral a ensuite répondu à plusieurs questions posées par des étudiant-e-s.
Une table ronde contrastée
La deuxième partie de la soirée a pris la forme d’une table ronde réunissant René Schwok (professeur honoraire à l’Université de Genève), Katja Gentinetta (philosophe politique), Mauro Poggia (conseiller aux États) et Andreas Künne (ambassadeur de l’UE en Suisse).
Gentinetta a ouvert le débat en soulignant que ces nouveaux accords ne marquent pas une rupture : « Les Bilatérales III sont d’abord une continuation. Ce fait, déjà, nous protège un peu, parce qu’on sait ce qu’on a. »
Poggia, eurosceptique du groupe, a répondu que les Accords bilatéraux III impliqueraient trop de concessions de souveraineté : « Ce n’est pas un excellent accord pour la Suisse. »
Plus tard, l’ambassadeur de l’UE a également pris la parole et a déclaré que la stabilisation des relations n’était peut-être pas « l’aspect le plus sexy » des accords, mais qu’elle constituait l’élément le plus important« Car à l’époque où nous vivons, la valeur de la stabilisation ne doit pas être sous-estimée. »
Poggia a relancé le débat en demandant si ces nouveaux accords bilatéraux seraient vraiment préférable à ne pas avoir d’accords.
Gentinetta a immédiatement répondu à cette question rhétorique, mettant en avant que la situation serait meilleure si les contrats étaient acceptés.
Conclusion et perspectives
Pour conclure, l’ambassadeur Künne a reconnu que l’Union européenne ne fait peut-être plus rêver, mais qu’elle reste le « noyau dur » de la stabilité politique en Europe :« Elle inspire confiance et représente le noyau dur de notre stabilité politique. C’est précisément en période de crise que les peuples se rassemblent sous le drapeau européen. »
Le débat autour des nouveaux accords bilatéraux se poursuivra aussi le 28 novembre à l’IHEID, où un séminaire analysera les enjeux transversaux des relations entre la Suisse et l’UE. Quel rôle l’euro est-il appelé à jouer dans le futur ordre monétaire international ? Est-ce que l’innovation est encore possible en Europe ? Et quel avenir pour la libre circulation des personnes?

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